Benoît ROSTAND
Agrandir son logement en achetant une partie commune !
Dernière mise à jour : 8 févr. 2021
Malgré le très faible taux de crédits immobiliers, le prix des appartements augmente inexorablement, même s'il montre depuis le 4è trimestre 2020 un certain fléchissement. A Paris, par exemple, si les notaires ont constaté au second trimestre 2017 un prix de 8.670 €/m², il a dépassé les 10.850 € en 2020 ; idem à Lyon, Bordeaux, Nice ou Marseille...
Aussi, il devient pour chacun d’entre nous de plus en plus difficile d’acquérir un bien dit de ‘confort’, c’est-à-dire l’achat d’un appartement avec une pièce de plus. Est-il, par conséquent, intéressant d’agrandir son logement en mètre carré ou en volume en faisant l’acquisition de parties communes !
Pour mémoire, les parties communes sont les parties de bâtiments et de terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux.
Nous distinguerons les ventes volontairement consenties par le syndicat (I) et celles les autres, conclues en application de dispositions législatives ou réglementaires (II).
1. Ventes volontaires
1.1. Parties communes susceptibles d’être vendues
La cession de parties communes ne peut concerner qu’une partie desdites parties communes. Sans lieu indivis entre copropriétaires, la copropriété ne saurait plus exister. Nous parlerions alors de scission de copropriété.
Nous pouvons prendre pour exemple l’ancienne loge après la suppression définitive de l’emploi de gardien, une partie de la cour ou d’un jardin commun pouvant être privatisée, un couloir permettant de réunir deux chambres de service, un palier d’étage, etc.
1.2. Majorités
Aux termes des dispositions du dernier alinéa de l’article 26 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, seul le syndicat des copropriétaires (et non le syndic et encore moins le conseil syndical) est habilité à accepter la vente d’une part des parties communes.
1.2.1. La conservation de la partie commune à vendre n’est pas nécessaire au respect de la destination de l'immeuble
Ce droit accordé au syndicat ne s'exercera que si, et seulement si, la cession de ces parties communes répond à l'intérêt de la copropriété.
Lors d’une assemblée générale dûment convoquée, la double majorité est requise (50% des copropriétaires en nombre et 2/3 des tantièmes) est nécessaire pour décider une telle aliénation.
En d’autres termes, dans une copropriété comprenant 20 personnes totalisant 1.000 millièmes, la décision sera adoptée, dès lors que 11 copropriétaires représentant au moins 667 millièmes auront accepté la proposition.
Il est d’usage de définir l’inutilité de parties communes lorsqu’elles n’affectent plus les les conditions de confort et d'agrément des autres copropriétaires. En cela, si une partie de palier reliant un lot à un autre lot ne présente plus aucune utilité pour les autres copropriétaires, elle est devenue inutile pour le syndicat. Dans la pratique, ces ventes ne concernent que des surplus d’immeuble (terrain, combles, fond de couloir, etc.) ou des locaux à usage commun ne présentant plus d'utilité particulière pour la collectivité ou encore l’ancienne loge du gardien.
1.2.2. La conservation de la partie commune à vendre est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble
L’unanimité de tous les copropriétaires est requise.
1.3. Prix de vente
S’il est entendu que si le syndicat peut céder une partie commune, il doit encore en retirer une contrepartie pécuniaire.
Les cessions à l’euro symbolique n’existent que dans le fantasme des demandeurs.
La cession doit se faire à un prix réel et sérieux, afin que le Conservateur des Hypothèques puisse agréer une telle acquisition et percevoir l’ensemble des taxes y afférentes.
Ceci rappelé, le prix est sans aucun doute le point le plus subjectif qu’il soit dans une telle cession. L'évaluation du prix d’une partie commune n'obéit en effet à aucune règle.
Pour estimer sa valeur, il faut peut-être tenir compte du prix du marché immobilier (situation de l'immeuble, état du bien, etc.), mais il est important également de prévoir la plus-value générée par cet ajout. Ce second point est le plus compliqué à estimer dans la mesure où cela provoque souvent la jalousie des autres copropriétaires et souhaitant s’accaparer l’éventuelle plus-value que pourrait (au conditionnel) gagner l’acquéreur…
Il est donc important d’estimer le prix auquel pourrait être vendu le logement en l’état et le bénéfice en cas de vente en y intégrant la partie commune acquise. C'est hélas et uniquement ce que vont regarder les copropriétaires.
Force est de constater que ce bénéfice n’est que virtuel dans la mesure où tout repose sur un état du marché immobilier à un instant donné ! Jalousie et mesquinerie, quand tu nous tiens…
Finalement, le prix de la transaction se situera entre la valeur estimée de la partie commune au prix du marché et le gain que cette dernière apporte sur la valeur du logement déduit de l'ensemble des frais pour l'opération d'acquisition.
Mais, le copropriétaire acheteur recevra nécessairement une part du prix de vente, comme nous le verrons brièvement ci-après (point 4.3.).
1.4. Procédure
1.4.1. Tenue d’une assemblée générale
Comme il a été dit plus haut, et afin de ne pas être réputé ‘squatteur’ de parties communes, lesquelles doivent être continuellement restée libres de tous meubles et occupations, le copropriétaire demandeur doit demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (que je déconseille fortement, tant le taux d’absentéisme est élevé), l’acquisition des parties communes.
Il faudra naturellement y joindre les conditions du projet d’acquisition (plan, prix proposé, modificatifs du règlement de copropriété comprenant la création d'un ou plusieurs lots supplémentaires, l'affectation des tantièmes, la nouvelle répartition des charges, le nouvel état descriptif de division, etc.).
Et si cette volonté d’acquérir ces parties communes s’accompagne de travaux sur le gros œuvre, lesdits travaux feront aussi l’objet d’une ou plusieurs décisions de l’assemblée générale, laquelle statuera désormais à la majorité absolue.
1.4.2. Procès-verbal de l'assemblée générale
Dès lors que la majorité requise est atteinte, selon les cas de figure ci-dessus expliqués, le copropriétaire demandeur devient propriétaire des parties communes (devenues en réalité parties privées appartenant au syndicat des copropriétaires et vendues par la suite…).
Le syndic doit obligatoirement, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, adresser le procès-verbal aux copropriétaires défaillants ou opposants, lesquels disposent de deux mois pour contester les décisions prises en réunion en application de l’article 42 de la loi n°65-557 susdite.
Ce procès-verbal est ensuite déposé par le syndic au rang des minutes du notaire.
Après avoir établi et publié auprès de la Conservation des Hypothèques les modificatifs du règlement de copropriété en y joignant le nouvel état descriptif de division, le notaire rédige l'acte de vente entre le syndicat des copropriétaires et l’acquéreur des parties communes.
La vente est réellement réalisée à partir de ce moment.
1.4.3. Répartition du prix de vente
En qualité d'administrateur de la copropriété, le syndic doit répartir le prix de vente entre tous les copropriétaires, y compris l'acquéreur, au prorata des tantièmes de copropriété, générales ou spéciales, sans exception.
1.4.4. En bref
En résumé, les résolutions impératives à inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale sont :
Création d’un lot de copropriété et de ses tantièmes corrélatifs
Vente du lot de copropriété ainsi créé – détermination du prix de vente
Établissement des certificats et diagnostics – charge
Désignation d’un notaire pour rédiger l’acte de vente et l’état descriptif de division, les publier et, en règle générale, effectuer toutes les diligences nécessaires à la régularisation des actes générés par le vote des résolutions ci-dessus
Délégation de pouvoir au syndic
Honoraires du syndic pour la régularisation de la vente et du modificatif du règlement de copropriété ci-dessus votés
Répartition du prix de vente
2. Ventes obligatoires
Parfois, le syndicat n'a hélas pas à délibérer sur le principe d'une opération à laquelle il ne peut se soustraire. La copropriété doit seulement se prononcer sur les conditions de sa réalisation.
Il s’agit essentiellement de la constitution d'une servitude de passage pour cause d'enclave ou d'une servitude de cour commune ou de la cession de la mitoyenneté d'un mur.
La constitution d'une servitude de cour commune peut être décidée à la majorité des voix de l'article 25 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. Toutefois, lorsqu’elle porte sur une cour dont un ou plusieurs copropriétaires ont la jouissance privative, l'unanimité reste exigée dès lors que cela porte ou pourrait porter atteinte à l'intangibilité du droit de jouissance exclusive reconnu auxdits intéressés.