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  • Photo du rédacteurBenoît ROSTAND

L'Architecte des Bâtiments de France a-t-il tous les pouvoirs ?


La protection des monuments historiques a commencé dès 1840 ; mais ce n'est qu'avec la loi du 30 mars 1887 que le Service des Monuments Historiques s’est structuré. En 1907, chaque département a pu créer un poste d'Architecte Ordinaire des Monuments Historiques chargé de l'entretien et des réparations courantes. Ces Architectes étaient des architectes libéraux sélectionnés pour leur expertise en matière de monuments historiques et étaient nommés pour quatre ans avec une rémunération en honoraires et vacations. En 1935, les Architectes Ordinaires sont devenus des Architectes des Monuments Historiques et ont été recrutés sur concours. Ils étaient vacataires et rémunérés en honoraires proportionnels aux travaux supervisés.


En 1946, l'Architecte des Bâtiments de France est devenu un fonctionnaire de l'État avec un traitement fixe, incapable d'exercer en dehors de son service. Ils étaient responsables de la surveillance et de l'entretien des monuments historiques, des bâtiments civils et des Palais Nationaux dans leur département. Par la suite, les missions de l'ABF se sont élargies pour inclure des domaines tels que l'urbanisme, les secteurs sauvegardés, les paysages et les sites, et les propriétaires privés devaient soumettre des demandes pour tout travail effectué sur des monuments historiques.


Dans les années 1990, le corps des Architectes des Bâtiments de France a fusionné avec celui des Urbanistes de l'État, élargissant encore ses domaines d'intervention. Les Architectes des Bâtiments de France sont devenus le Service Départemental de l'Architecture et du Patrimoine, puis le Service Territorial de l'Architecture et du Patrimoine et plus récemment l'Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine.


On compte à ce jour 120 ABF rattachés au ministère de la Culture et de la Communication sous la coupe d'Antoine-Marie Préaut, conseiller ministériel en charge du patrimoine et de l'architecture depuis le 13 mars 2023.


I. Rôle


A. Missions


La mission de l’Architecte des Bâtiments de France répond à une triple exigence.


1. Entretien et conservation des monuments historiques


L’ABF dirige les travaux d’entretien sur les édifices classés Monuments Historiques lorsque la maîtrise d’ouvrage est assurée par le ministère chargé de la Culture ou que les propriétaires ou affectataires reçoivent une aide financière de l’Etat.


Il contrôle également les travaux sur les édifices inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.


Il est en outre conservateur des monuments historiques appartenant à l’Etat dans son département et affectés au ministère chargé de la Culture, sous réserve de quelques exceptions.


A ce jour, il participe au suivi d’environ 43.000 monuments historiques que compte la France.



2. Gestion des espaces protégés


La mission principale de l'ABF reste la surveillance et la protection des espaces protégés, ainsi que leur mise en valeur en participant à l'examen des projets d'aménagement ou de travaux situés près de monuments historiques ou de sites protégés. Il veille ainsi sur les :

· abords des monuments historiques dans un rayon de 500 mètres desdits monuments - cette servitude est apprécié par l’ABF en usant le principe de « vue avec » et « vue depuis »

· espaces inscrits ou classés

· secteurs sauvegardés

· zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager



3. Maintien des savoir-faire


L'ABF a pour objectif de sensibiliser et de former les responsables politiques et les particuliers afin de promouvoir les savoir-faire, techniques et matériaux traditionnels, en matière d'architecture, d'urbanisme, de paysage et de cadre de vie.


Cependant, les missions de l'ABF peuvent parfois entrer en conflit avec les exigences de l'État et de l’Union Européenne, notamment en ce qui a trait à la transition énergétique. Par exemple, la loi d'Accélération des Energies Renouvelables incite à l'installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments. Toutefois, l'installation de ces panneaux peut porter atteinte à l'esthétique de certaines zones protégées pour lesquelles l'avis de l'ABF est obligatoire. Sur les 12 800 dossiers traitant de l'installation photovoltaïque, 2 300 ont reçu un avis défavorable. En réponse à cette situation, la Ministre de la Transition Énergétique et la Ministre de la Culture et de la Communication ont signé une circulaire en décembre 2022, demandant plus d'ouverture et de souplesse dans les avis de l'ABF. Une autre contrainte ubuesque est celle de la lutte contre les passoires thermiques des immeubles haussmanniens ou construits par des architectes/artistes tels que le Corbusier, Mallet-Stevens, Nouvel ou Wilmotte… Comment isoler ces bâtiments pour répondre aux normes environnementales sans dénaturer l’œuvre de l’artiste ? Cela risque de provoquer une crise immobilière à court et moyen terme avec le retrait du marché immobilier de très nombreux logements



B. Décisions


A l’échelle communale, c’est souvent le Maire qui délivre l’autorisation d’urbanisme (permis de construire, permis de démolir, permis de lotir, certificats d’urbanisme, implantations de lignes électriques, déboisements, localisations d’enseignes et de publicité, etc.). Néanmoins, il se peut que le projet poursuivi dépende parfois de certaines réglementations particulières, telles que la protection des monuments historiques ou la protection des sites patrimoniaux remarquables


Dans le cadre du contrôle de ces espaces protégés, l’ABF doit donc émettre un avis sur toute demande d’autorisation de travaux, assorti ou non de prescriptions. Son avis s’impose à l’autorité compétente (Maire ou Préfet). Selon la protection de l’espace et le type de travaux, il s’agit d’un avis conforme ou d’un avis simple.


A noter qu’il n’y a pas d’obtention d’autorisation administrative tacite dans un secteur soumis à l’avis de l’ABF, notamment s’il y a un dépassement du délai d’instruction. Absence de réponse d’un ABF vaut refus.


1. Avis conforme


L’autorité compétente qui délivre l’autorisation est liée par l’avis de l’ABF ; elle ne peut s’y opposer qu’en engageant une procédure de recours auprès du Préfet de Région qui tranchera après consultation de la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites.


2. Avis simple


L’autorité compétente qui prend la décision n’est pas liée par l’avis de l’ABF ; elle peut passer outre à celui-ci et engage alors sa propre responsabilité, l’avis faisant référence en cas de contentieux. À titre exceptionnel, le Ministre chargé de la Culture et de la Communication peut se saisir du dossier et émettre un avis à la place des autorités déconcentrées.



II. Responsabilité


Si tout architecte, personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée à raison des actes qu'il accomplit à titre professionnel, il n’en est pas de même pour les ABF qui sont de simples fonctionnaires.


Comme tout représentant de l'État, un fonctionnaire a la responsabilité de servir l'intérêt général et de respecter les règles et les lois de la République. Il est donc tenu d'être impartial, intègre, et de faire preuve de professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions. En cas de manquement à ces principes, le fonctionnaire peut être sanctionné disciplinairement ou pénalement.


Mais dans le cadre de l’émission d’un avis, qu’il soit simple ou conforme, la faute du fonctionnaire voire de son ministère de tutelle est illusoire à rechercher.



III. Recours


Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les avis rendus par l’ABF, qu'ils soient assortis d’observations ou de prescriptions doivent être fondés sur des considérations de protection des monuments historiques ou des sites. Cependant, ces avis ne sont pas des actes faisant grief et ne peuvent ainsi pas être directement contestés devant le juge administratif.


Si l'on souhaite s'opposer à une décision de l’ABF, il est possible de faire un recours gracieux en discutant de la demande d’autorisation de travaux avec l'ABF. Ce recours devra être argumenté, construit et soutenu sur des éléments probants d’architecture, avec un contexte environnemental précis et un dossier complet


En cas de refus d’autorisation d’urbanisme, il est également possible de faire un recours pour excès de pouvoir ou erreur manifeste d’appréciation devant la juridiction administrative. Cependant, les chances de succès sont faibles car la décision de refus découle simplement de l'avis de l’ABF, qui a été suivi par la Mairie ou la Préfecture.



IV. Amende


L’ABF n’a pas autorité pour infliger de contraventions ; il peut cependant constater l’irrespect de ses prescriptions ou recommandations notifiées dans son avis. Un procès-verbal en infraction du Code de l’urbanisme sera alors dressé par la Mairie, laquelle la transmettra au Procureur de la République qui, lui, entamera les procédures judiciaires à l’encontre du contrevenant.



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