Expropriation pour cause d'Utilité Publique
Dernière mise à jour : 2 juil. 2021
Toute expropriation est une grave atteinte au droit de propriété, pourtant protégé par la Constitution et par la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Aussi, elle ne pourra être réalisée qu'en application d’une procédure complexe définie par le code de l'expropriation.
1. Principe : Utilité Publique
L'expropriation ne peut intervenir que si elle présente une utilité publique. Les juges considèrent que cette condition est remplie dès lors que :
· le projet d'expropriation est réellement justifié,
· il ne peut être évité,
· l'atteinte à la propriété de la personne expropriée n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
2. Biens pouvant être expropriés
Les biens pouvant être expropriés sont :
· les propriétés (immeuble, terrain ou une partie de celui-ci telle que le sous-sol),
· et les droits réels immobiliers (usufruit , servitude…).
3. Personnes pouvant demander la mise en place de la procédure d’expropriation
L'expropriation est réalisée pour le compte d'une personne publique ou d'une personne privée.
3.1. Procédure d'expropriation
Il s'agit :
· des propriétaires,
· des locataires ayant un bail d'habitation ou un bail professionnel, commercial ou rural,
· des usufruitiers.
3.2. Procédure
La procédure d'expropriation se déroule en deux temps :
· phase d'ouverture de la procédure d'expropriation servant à démontrer l'utilité publique de l'opération,
· phase de réalisation de l'opération d'expropriation garantissant le transfert de propriété à la personne expropriante et le paiement d'une indemnité à la personne expropriée.
3.2.1. Ouverture de la procédure d’expropriation
La personne publique qui prend l'initiative de demander la mise en œuvre d'une procédure d'expropriation doit en informer très largement le public en menant diverses enquêtes.
Avant d'ouvrir une enquête publique préalable, la personne expropriante doit constituer un dossier d'enquête rassemblant des informations sur l'opération projetée, la délimitation des immeubles à exproprier, l'appréciation du coût des travaux projetés, etc.
Ce dossier est ensuite transmis au préfet qui prend un arrêté par lequel :
· il ouvre une enquête publique et indique sa durée (qui ne peut être inférieure à quinze jours),
· il désigne un commissaire-enquêteur chargé de se prononcer sur l'utilité publique du projet d'expropriation.
Cet arrêté est publié, au moins huit jours avant le début de l'enquête et pendant toute la durée de l'enquête, dans des journaux régionaux et affiché dans la mairie concernée par le projet d'expropriation.
Durant l'enquête, les personnes directement concernées par le projet d'expropriation et les habitants de la commune peuvent venir consulter le dossier d'enquête et faire part de leurs observations en demandant notamment à être entendus par le commissaire-enquêteur.
Les personnes qui veulent s'opposer à l'opération d'expropriation doivent le faire savoir dès ce moment-là.
Les lieux et heures pour venir consulter le dossier sont précisés par l'arrêté.
Les conclusions de l'enquête sont adressées au Préfet qui en transmet une copie à toute personne qui en fait la demande ainsi qu'au maire de la commune concernée par le projet d'expropriation.
Lorsque le commissaire-enquêteur est favorable au projet, une déclaration d'utilité publique (DUP) est prononcée.
3.2.2. Déclaration d'utilité publique
Cet acte atteste que le projet d'expropriation présente bien une utilité publique et précise le délai durant lequel l'expropriation doit avoir lieu. A ce stade, la DUP autorise la personne expropriante à poursuivre la procédure d'expropriation mais ne l'y oblige pas.
La DUP est publiée, selon les cas, par arrêté préfectoral, ministériel, voire par décret en Conseil d'État (lorsque le projet concerne de grandes opérations telles que les créations d'autoroutes, d'aérodromes...).
Le jour de la publication sert de point de départ pour contester la DUP et engager un recours devant le tribunal administratif. Ce recours doit être formé dans les deux mois qui suivent la publication de la DUP.
Toutefois, saisir le juge n'arrête pas le projet. C'est pourquoi le requérant peut demander au juge d'annuler la DUP et, par une requête séparée, demander au juge des référés d'en suspendre l'exécution.
3.2.3. Enquête parcellaire
Avant d'ouvrir une enquête parcellaire, la personne expropriante doit constituer un dossier comprenant un plan des parcelles à exproprier réalisé par un géomètre-expert.
Ce dossier est ensuite transmis au Préfet qui prend un arrêté par lequel :
· il ouvre l'enquête parcellaire et indique sa durée (qui ne peut être inférieure à quinze jours),
· il désigne un commissaire-enquêteur chargé de se prononcer sur la cession des parcelles concernées par l'expropriation.
La personne expropriante doit informer toutes les personnes concernées par l'expropriation de l'ouverture d'une enquête parcellaire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Les conclusions de l'enquête sont adressées au Préfet.
Lorsque le commissaire-enquêteur est favorable à la cession des parcelles, un arrêté de cessibilité est prononcé.
3.2.4. Arrêté de cessibilité
Cet acte signifie que la propriété peut être transférée à la personne expropriante. L'arrêté est publié au recueil départemental des actes administratifs et notifié aux personnes expropriées, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Le jour de la publication de l'arrêté sert de point de départ pour contester l'arrêté de cessibilité et engager un recours devant le tribunal administratif. Ce recours doit être formé dans les deux mois qui suivent la publication de l'arrêté de cessibilité.
4. Indemnisation
Une fois que le projet d'expropriation a été déclaré d'utilité publique et que l'arrêté de cessibilité a été envoyé aux personnes expropriées (propriétaire, locataire, usufruitier), l'expropriation peut avoir lieu et le montant des indemnités être fixé.
Dans un premier temps, la personne expropriante doit proposer une offre d'indemnisation à toutes les personnes expropriées. A compter de l'envoi de ce courrier, les personnes expropriées ont un délai de quinze jours pour faire connaître à la personne expropriante soit leur acceptation, soit leurs prétentions.
A défaut d'accord amiable dans un délai d’un mois à compter de l'envoi de l'offre d'indemnisation, la personne expropriante doit saisir le tribunal judiciaire. Dans les deux mois qui suivent sa saisine, le tribunal doit organiser une visite des lieux expropriés et une rencontre entre la personne expropriante et les personnes expropriées. Une audience suit immédiatement la visite des lieux. Chaque partie est entendue. Un délai de huit jours est ensuite laissé aux parties pour trouver un accord amiable sur le montant de l'indemnité d'expropriation. Passé ce délai et en l'absence d'accord amiable, le juge fixe définitivement l'indemnité d'expropriation par ordonnance.
Une fois prononcée l'ordonnance du tribunal judiciaire, les personnes expropriées ne peuvent plus vendre leur bien et tous les baux sont automatiquement résiliés.
Une fois que le juge a fixé le montant de l'indemnité, la personne expropriante doit verser l'indemnité aux personnes expropriées dans les trois mois. Si, passé ce délai, l'indemnité n'est toujours pas versée, les personnes expropriées peuvent demander à la personne expropriante, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des intérêts calculés au taux légal.
A noter que les indemnités doivent couvrir l'intégralité du préjudice des personnes expropriées :
· une indemnité principale correspondant à la valeur du bien exproprié,
· et des indemnités accessoires couvrant d'autres formes de préjudice que celui de la dépossession du bien : éviction, déménagement, réinstallation, etc.
Le montant des indemnités est fixé d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance d'expropriation. Toutefois, les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, qui auraient été faites, même antérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité s'il apparaît qu'elles ont été faites en vue d'obtenir une indemnité plus élevée.
Enfin, la personne expropriante doit proposer une solution de relogement à la personne expropriée. En outre, lorsque l'expropriation a porté sur une maison individuelle, le relogement doit être offert, si possible, dans une maison de même genre et situé dans la même commune ou une commune limitrophe. Le tribunal judiciaire tient compte du relogement offert par l'expropriant pour fixer l'indemnité d'expropriation.
5. Remise en cause de l’expropriation
Si, à compter de la date de l'ordonnance d'expropriation, le projet d'utilité publique n'a pas été réalisé dans les cinq ans ou si la personne expropriante souhaite affecter le bien exproprié à d'autres fins que celles qui étaient initialement prévues, les personnes expropriées peuvent demander la revente ou la location du bien qu'ils ont dû céder.
Cette faculté peut être exercée durant une période de trente ans.
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