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Photo du rédacteurBenoît ROSTAND

Que dit la loi ASAP concernant les squatteurs ?

Dernière mise à jour : 10 févr. 2021


« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » (article 544 du code civil).

Cet article a été créé par la loi n°1804-01-27 du 6 février 1804… 217 ans que cette loi existe en France.


Encore plus fort, l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, gravée dans le marbre de la Constitution de la Vè République, dispose que la propriété est un droit inviolable et sacré. 232 ans que ce principe régit le quotidien des Français.


Et pourtant, certains semblent l’avoir oublié.


Il y a quelques mois, l’affaire Kaloustian occupait l’espace médiatique. Pour mémoire, un couple de lyonnais avait décidé de rejoindre sa maison de vacances située à Théoule-sur-Mer. En arrivant sur place, il remarquait qu’il ne pouvait plus entrer, toutes les serrures ayant été changées. Après quelques minutes, il se rendait à l’évidence que son logement était occupé. Alertée, la police a procédé aux constatations d’usage, mais a refusé de faire évacuer les lieux. Pire, s'étant senti menacée par le voisinage découvrant la supercherie, la famille de squatteurs a demandé à la même police de les en protéger. Des rondes ont ainsi organisées. Un comble ! Face à la lenteur de la justice, notre couple de lyonnais en ont informé les médias qui en ont fait leur chou gras…à dessein. Depuis, d'autres propriétaires ont connu et connaissent encore le même scénario et la même angoisse. Dernièrement, le cas de Roland Leutard, 88 ans, est à la une des journaux.

Le mot "squat" est anxiogène. Il fait immédiatement penser, à tort ou à raison, à ces hordes d’anarchistes libertaires sans foi, ni loi, ni toit menant des actes de sauvagerie contre les forces de l’ordre dans des « zones à défendre » comme à Notre-Dame-des-Landes pour lutter contre le projet de construction d’un aéroport au nord de Nantes ou encore celui du barrage de Sivens ; comme l’occupation d’immeubles bourgeois ou de locaux vacants dont ceux du Petit Cambodge à Paris déjà meurtris par les attentats islamistes de novembre 2015 et asphyxiés à nouveau depuis le 12 mars 2020 à cause du premier confinement lié à la pandémie de la Covid-19. Ces viols collectifs sont le plus souvent organisés par le collectif des Sans-Papiers, l’Organisation Communiste Libertaire, le Comité des Mal Logés ou encore le Droit au Logement. La grande majorité des squatteurs, proches de l'ultragauche, de l'anarchisme ou du mouvement autonome, mettent en pratique l'idée de refus de la propriété privée avec celle du refus de l’autorité. Dans la même mouvance, des squats d'inspiration néofasciste existent (Casapound, Bastion Social, etc.).


Si un squat désigne une occupation illicite par un groupe d’individus, il concerne aussi les occupations de personnes seules. Ce n’est donc pas le nombre qui définit le squat, ni les conditions de vie qui varient en fonction des moyens et des motivations des occupants : sans abris, fugueurs, migrants, artistes sans atelier, gens du voyage privés d’aires d’accueil, roms, militants de la cause libertaire, etc. L’occupation s’inscrit dans un parcours résidentiel marqué par la précarité.


En définitive, le squatteur estime que « la propriété, c’est le vol » (Proudhon). Pour Anne-Marie BOUX, membre du parti EELV et adjointe au Maire de Paris Anne HIDALGO, « squatter une propriété qui ne nous appartient pas n’est pas toujours illégitime » (CNews du 08/09/2020 – L’Heure des Choix). Ce qui est l’antithèse de la philosophie de Locke, fondatrice de notre civilisation, pour qui la propriété est un droit. Des politiciens désœuvrés invitent donc les libertaires à déloger les propriétaires de biens immobiliers au nom d’une morale supérieure : le communisme. Après l’encadrement des loyers qui est, en soi, une atteinte à la loi du marché, ou encore l’interdiction de donner à bail son bien pour de très courtes périodes sur des plateformes telles de airbnb, HomeAway, etc., voilà revenu le militantisme de l’ultragauche piétiner le droit absolu de propriété.


En France, malgré l'existence depuis le 11 octobre 1945 d'une loi dite de réquisition des logements vides visant à régulariser les occupations illégales consécutives à la crise du logement de l'après-guerre, et la loi n°90-449 du 31 mai 1990 définissant le droit au logement, le squat a toujours été illicite.


Il faudra attendre quelques années pour voir une loi « anti-squat ». La loi n°2015-714 du 24 juin 2015 précise et renforce la protection du domicile en permettant aux victimes des squatteurs d’en demander l’expulsion, dans le délai dit de flagrance et en dehors de toute décision d’expulsion ordonnée par un tribunal. Pour déloger les squatters, il existe des solutions différentes selon que le lieu squatté est réputé être une résidence principale ou secondaire.


1. Définition juridique du squatteur


Squatter est le fait d'entrer avec effraction pour occuper un lieu (logement, garage, terrain) sans l'autorisation de son propriétaire. Il y a donc trois conditions :

- effraction

- occupation non désirée du lieu

- absence d’autorisation du gardien de la chose


Ainsi défini, un locataire qui se maintient dans le logement après la fin du bail et sans l'accord du propriétaire n'est pas un squatteur. Il en est de même de la personne qui refuse de quitter les lieux après y avoir été hébergée par la personne qui y vit.

2. Principe de base : interdiction de faire justice soi-même


La loi interdit que l’on se fasse soi-même justice, tout simplement pour éviter à l’Homme de subir la loi du plus fort. Cette interdiction de se faire justice soi-même est surtout liée au fait que l’idée de vengeance éloigne l’idée de justice.


Pire, les squatteurs pourraient légitimement se retourner contre le propriétaire, lequel encourrait une sanction deux fois plus lourde que celle de ses assaillants.


3. Squat de la résidence principale et de la résidence secondaire


Adieu l’article 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le Droit Au Logement Opposable ! Les parlementaires ont voté le 7 décembre 2020 la loi n°2020-1525 portant Accélération et de Simplification de l'Action Publique (loi ASAP, autre acronyme de As Soon As Possible – dès que possible). La circulaire du 22 janvier 2021 (NOR : LOGL2102078C) vient préciser la réforme de la procédure administrative d'évacuation forcée en cas de squat. A noter que cette circulaire est cosignée par Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur, Eric DUPOND-MORETTI, ministre de la Justice, et Emmanuelle WARGON, ministre du Logement.


Cette loi supprime les procédures judiciaires en cas de squat d’un logement principal, secondaire ou occasionnel. La procédure, exclusivement administrative, sera la suivante :


- dès lors qu’un propriétaire constate que son bien fait l'objet d'une introduction et un maintien dans son domicile à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, il déposera plainte auprès du commissariat de police, condition essentielle de recevabilité de la demande d'évacuation forcée ;


Le domicile est le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux (article 226-4 C. Pén.).

- une fois l’infraction caractérisée, le propriétaire saisira le préfet en lui apportant la preuve, par tous moyens, que le logement squatté lui appartient bien. Il est conseillé de déposer sur un cloud sécurisé une copie de son acte de propriété ou pour le cas d’un locataire son contrat de bail et les derniers appels de loyer et quittances. Cela évitera d’en demander une copie au notaire ou son propriétaire-bailleur et de perdre ainsi du temps ; toutefois, il est demandé aux Préfets de ne pas faire de formalisme excessif et d'accueillir toute pièce pertinente ;


- le préfet aura un délai impératif de quarante-huit (48) heures à compter de la réception de la plainte pour répondre au propriétaire :

- en cas d’acceptation : le préfet adressera une mise en demeure au squatteur qui disposera alors de vingt-quatre (24) heures pour quitter le logement (affichage en mairie, sur les lieux et par voie de notification).

* le squatteur s’exécute : fin du dossier

* le squatteur laisse passer ce délai : le préfet devra sans délai demander l’intervention de la force publique qui sera autorisée à expulser l’occupant illégal manu militari.


- en cas de refus : les services administratifs devront communiquer sans délai les motifs de la décision (irrespect de la procédure ou existence d'un motif impérieux d'intérêt général), et la saisine du tribunal administratif (dont les délais de procédure sont nettement plus longs que ceux du tribunal judiciaire) sera obligatoire pour faire annuler la décision préfectorale d'une part et obtenir réparation du préjudice par l'État d'autre part.


Le squatteur peut également être puni :

· d'un (1) an d'emprisonnement et de quinze mille (15.000 €) d'amende pour être entré par effraction dans le domicile,

et

· d'un (1) an d'emprisonnement et de quinze mille (15.000 €) d'amende pour avoir occupé ce logement.


Je tiens à ajouter cinq petits points :

- le squatteur peut faire valoir l’existence d’un bail… Sur ce point, même signé de bonne foi, ce bail est inopposable au propriétaire ;

- dans le cadre d’une copropriété, le syndicat de copropriétaires peut être déclaré responsable du fait du gardien, si ce dernier a notamment pour tâche de contrôler les allées et venues et qu’il n’a pas signalé la présence inhabituelle dans l’immeuble de personnes n’ayant pas qualité de propriétaires ou de locataires (CCass. 3è civ., 27 avril 1994) ;

- la trêve hivernale ne trouve pas application depuis la promulgation de la loi n°2018-2010 du 23 novembre 2018 portant Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (dite loi ELAN) ;

- le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France critiquent la mise en place de cette procédure uniquement administrative en lieu et place d'une décision judiciaire. Le préfet, haut fonctionnaire issu en sa grande majorité de l’ENA et non de l’ENM, est sous l’autorité directe du ministère de l’Intérieur. Il est donc curieux de transférer la compétence judiciaire à celle au ministère de l’Intérieur, sans que le ministre de la Justice ne s’en émeuve.

- il est moralement étonnant de constater que l’utilisation de la force publique pour protéger exclusivement des intérêts privés est possible sans décision judiciaire préalable, alors que l’usage de ladite force publique est avant tout destiné à prévenir les troubles à l’ordre public dans le cadre d’une mission d’intérêt général.

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