Quels seront les effets de la pandémie de la Covid-19 sur le marché immobilier français ?
Dernière mise à jour : 5 févr. 2021
La pandémie de la Covid-19 fait basculer plus d’un million de Français dans la pauvreté. La France compte à ce jour quelques 10.300.000 individus percevant moins de 855 € par mois. Le nombre de bénéficiaires du RSA a augmenté de 9,2% en un an. Les associations d’aide alimentaire constatent une explosion des demandes d’environ 30%. Ce virus fait des ravages collatéraux et n’épargnera pas le marché immobilier. Même s'il reste invisible, un krach immobilier pointe à l'horizon.
Avant d’étudier les facteurs du krach à venir pour en connaître son impact, il est utile de revenir sur le marché immobilier de ces quarante dernières années. Entre 1984 et 1991, le prix des logements en France a augmenté de plus de 200%, avant de s’effondrer lourdement de 35% en moyenne dans la période 1991-1998. Puis, le marché est revenu florissant jusqu’à voire éclore une nouvelle bulle immobilière. Entre 1998 et 2008, le prix de l’immobilier a bondi de plus de 150%. Depuis lors, malgré deux périodes de crise majeure en 2008 et en 2015, force est de constater que le prix du m² n’a jamais cesser d’augmenter. Ainsi, au début de l’année 2020, le ticket moyen d’entrée a franchi les 10.540 €/m² dans la Capitale, ou encore 8.000 €/m² dans la capitale des Gaules.
Cet engouement trouve plusieurs origines :
* attractivité des taux bancaires : s’il est encore possible d’obtenir des prêts au taux de 1,13% sur 15 ans, ou encore 1,10% sur 20 ans, certains excellents dossiers ont pu se voir proposer un taux d’emprunt à 0,75% sur 20 ans. En comparaison, obtenir un taux à 9% dans les années 1990 était considéré comme avoir fait une bonne négociation auprès de sa banque.
* constitution d’un patrimoine familial
* génération d’un complément de revenus pour l’immobilier locatif
* spéculation immobilière
La pandémie change la donne.
1. Au niveau économique
1.1. Augmentation des faillites d’entreprise
Les 102 jours de confinements de la population française et l'instauration des couvre-feux ont créé une crise sanitaire, sociale et économique inédite.
Outre les TPE et PME touchées de plein fouet par ce confinement, affectées encore pour certaines d’entre elles par des mesures de fermeture sanitaire comme étant susceptible de devenir un foyer d’infection épidémique (bars, salles de sports, salons commerciaux ou culturels, salles de jeux, fêtes foraines, cirques, etc.), de nombreuses grandes enseignes font également face à d’importantes difficultés économiques. Les secteurs de l’événementiel, du spectacle et de la culture en général, du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie, du prêt-à-porter, du luxe, de l'aéronautique, de l'automobile ou encore de l'énergie annoncent quotidiennement des plans sociaux menaçant ainsi plusieurs dizaines de milliers d'emplois à travers la France. Plusieurs pans de l’économie sont en ruine.
Les entreprises sont sous perfusion, grâce aux mesures de prêts bancaires garantis par l’État, de décalage des charges (fiscales, sociales, énergétiques, loyers commerciaux) et de chômage partiel. Mais, lorsque les premiers créanciers s’agiteront, un tsunami de dépôt de bilan va s’abattre.
1.2. Augmentation du chômage
La barre des 6.645.000 demandeurs d'emplois a été franchi en France en août 2020, contre 6.400.000 en février 2020. Avec l’augmentation du nombre de chômeurs (240.000 de plus en six mois), et en comptant tous ceux qui sont contraints désormais d’être au chômage partiel, le revenu des foyers est en berne. Le Président de la République, Emmanuel Macron, estime qu’il y aura environ un million de chômeurs supplémentaires d’ici à la fin de l’année 2020 (fin des CDD non renouvelés, afflux des nouveaux diplômés, plans sociaux déjà en cours)... sans compter tous ceux qui s’inscriront à Pôle Emploi en 2021 à cause des faillites d’entreprises.
L’augmentation du nombre de personne sans emploi ou en activité partielle fragilise de facto les revenus des ménages et leurs patrimoines. Face à ce fléau et à la baisse de pouvoir d’achat consécutive, nombreux se retrouveront en situation de surendettement. Certains seront contraints de céder leur logement pour lequel ils se sont souvent endettés plus que de raison. La hausse du nombre de logement à vendre entraînera inévitablement une baisse des prix du marché, le nombre de vendeurs étant supérieur à celui des acheteurs. Les prix risquent de dévisser d’environ 30% à brève échéance, écart qui ne sera que le reflet de la distorsion entre le prix actuel de l’immobilier et l’évolution baissière du revenu des Français.
A ce jour, un tiers des propriétaires connaissent des difficultés pour rembourser leur prêt immobilier. En avril 2020, ils étaient à peine 17%.
1.3. Récession
L’économie française va vivre des heures sombres. Au second trimestre 2020, le PIB a chuté de 13,8%, après une baisse de 5,9% au premier trimestre. La France est au bord de la récession.
Le contexte économique faisant, les banques et les établissements prêteurs se trouveront aussi en difficulté si les prêts accordés ne sont pas remboursés ; en espérant ne pas se retrouver dans le contexte de la crise bancaire de 2008 causée par la faillite de Lehman Brothers et ses prêts toxiques, les banques vont resserrer les conditions d’octroi du crédit d’une part, et contraindre coûte que coûte les emprunteurs à honorer leurs échéances d’autre part... quitte à les mettre à la porte de chez eux.
2. Au niveau bancaire
2.1. Taux bancaire
Pendant le confinement, peu d’établissements bancaires ont continué à étudier les dossiers de demandes de prêts. Faute de concurrents, ils en ont donc profité pour remonter leurs taux.
Cependant, nous constatons que les taux continuent de grimper. Les banques ajustent le coût du risque lié à la vague de licenciements annoncés.
2.2. Prêts bancaires
C’est ainsi que les financiers ont décidé, comme un seul homme, de durcir les conditions d'octroi de prêts immobiliers, avec l’application d’un plafonnement strict du taux d’effort à 33% des revenus du foyer d’une part et une demande d’apport obligatoire d’autre part.
Cela a eu pour conséquence immédiate de priver d’accès aux crédits immobiliers plus de 200.000 candidats à l’accession.
3. Au niveau social
3.1. Endettement des Français
Il est évident que le principal moteur de la dynamique immobilière a été, et est encore, la faiblesse des taux d’intérêt des crédits immobiliers. Ce qui, paradoxalement, a contribué à endetter les ménages de façon exponentielle. Même si l’acquisition immobilière peut être considérée comme de l’épargne forcée, le taux d’endettement rapporté au revenu disponible atteint désormais 101,5% contre 56% en 2000.
La prise de conscience de ce ratio incitera les ménages à se désengager de ce paradigme au profit d’un déménagement en périphérie des villes, d’autant que le développement de la digitalisation et du télétravail a séduit nombre de salariés.
3.2. Changement de lieux
Les ménages ont compris qu’ils pouvaient faire de substantielles économies en habitant loin des métropoles. Mieux, les patrons ont constaté que le télétravail permet grâce au télétravail de ses employés, et tout en conservant la qualité de leur prestation professionnelle, de réduire la superficie de leur bureau. Ce qui, en temps de disette, est une aubaine. Mais si les preneurs à bail professionnel ou commercial désertent la place, les investisseurs seront alors, eux aussi, contraints de vendre pour rembourser leurs dettes et éponger leurs pertes.
Ce qui accroîtra encore l’offre de m² disponibles, transformables parfois en habitation.
3.3. Arrivée sur le marché de nouveaux logements
Le marché immobilier connaîtra un accroissement des logements immédiatement disponibles liés au surendettement des ménages, des professionnels et des investisseurs. Il va également connaître une augmentation significative du nombre de logements liés aux successions. C’est une des conséquences du baby-boom devenu papy-boom. Le marché immobilier devra digérer un surplus de logements non négligeables lié aux successions.
3.4. Attentisme
Aujourd’hui, comme cela a été démontré, l’offre de logements ira crescendo ces prochaines années. La dynamique de croissance du marché immobilier s’estompe. Dans un marché où les transactions ont d’ores et déjà fondu de 20 % en un an, les agents immobiliers observent un allongement des délais de vente. Les acquéreurs deviennent hésitants. Bref, les acheteurs souhaitent obtenir immédiatement le prix de demain, alors que les vendeurs espèrent encore vendre à celui d'hier.
Des prix exorbitants, un resserrement des conditions de crédits, une baisse de la demande et une augmentation de l’offre. Que demander de plus pour faire exploser en plein vol le marché immobilier ?
Dans un tel contexte, tous scrutent la tendance. Certains pensent que l’effet Covid-19 n’est qu’un feu de paille sur les marchés et que les prix resteront stables. Il est vrai que l’impact du virus ne se ressent pas encore. Les mutations actuelles ne sont que le rattrapage de ce qui auraient dû se signer pendant la période de confinement, avec les prix d’avant ledit confinement.
Tous ces éléments évoqués m’amènent à la conclusion que les prix de l’immobilier chuteront lourdement au second semestre 2021 dans la mesure où personne n’a encore vu trois crises venir de front (sociale, économique et bancaire). Toutes les villes seront impactées, en ce compris Paris.
Et une éventuelle relance de l’immobilier dépendra du niveau de confiance des ménages en l’avenir. Ce qui prendra du temps, les Français ayant perdu la confiance en ceux qui les gouvernent.
Il est cependant plus que probable que le gouvernement mette en place des incitations fiscales, incitations risquant de modifier l’habitat français en ce qu’elles seront la contrepartie d’une amélioration de la qualité énergétique des logements, un peu comme les gouvernements successifs le font avec le marché automobile et les primes à la conversion.
Le seul point positif de l’éclatement de cette bulle immobilière, hélas accélérée par la pandémie actuelle, est l’assainissement du marché en retrouvant des prix à la vente et des taux d’emprunt bancaire raisonnables. L’immobilier est et reste une valeur sûre.
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