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  • Photo du rédacteurBenoît ROSTAND

L'Arrêté de Péril

Dernière mise à jour : 2 juil. 2021

Depuis plus de dix ans, j'alerte les mairies et préfectures des situations technique et pécuniaires de plusieurs copropriétés. Il y a notamment eu le 9 passage Kracher à Paris, le 22 avenue Faidherbe aux Lilas, etc.



Si l'on mettait toutes les copropriétés en difficulté en un même lieu, on obtiendrait une agglomération d'une taille comparable à celle de Lille. Ce constat alarmant est établi par une étude de la Confédération Nationale des Administrateurs de Biens.


Ce phénomène, exceptionnel il y a encore quelques années, est devenu un phénomène en plein développement : chômage, baisse de revenus, surendettement, environnement économique et social difficile, etc.


Dans les quartiers anciens dégradés comme à la périphérie des villes, là où les immeubles collectifs privés logent souvent des familles au profil modeste, la copropriété s'embourbe dans les difficultés. Essentiellement parce que les familles n'ont plus les moyens de payer les charges courantes ou d'indispensables travaux d'entretien du bâti.


Et le profil social des occupants est souvent identique !


Faute de travaux et d'entretien courant, la vie en copropriété se transforme en cauchemar : coupures d'eau, escaliers dégradés, humidité dans les appartements, etc. Souvent, la copropriété est également victime du règne de marchands de sommeil spécialisés dans le rachat de logements à bas prix dans des quartiers sans avenir. C'est la spirale infernale.


Si tout propriétaire est responsable, même sans faute, des dommages causés à autrui par son immeuble, le Maire a également intérêt à faire cesser toute dégradation dangereuse d’un bâtiment en utilisant des procédures adéquates.


Certaines trouvent leur fondement sur ses pouvoirs de police générale, d’autres sur ses pouvoirs de police spéciale.


Dès lors que les services administratifs de la Commune dont dépend l’immeuble ou de la Préfecture de Police (à Paris) constatent dans un bâtiment, alertés par les occupants, le syndic, un architecte, un expert-judiciaire ou tout homme de l'art, qu'un état de dégradation met en cause la stabilité de l’édifice et la sécurité des occupants ou des riverains ou passants, un arrêté de péril doit être pris sans délai.


Lorsque le propriétaire (propriétaire d’une maison ou syndicat de copropriétaires) est connu, le Maire de la Commune (ou le Préfet de Police à Paris) doit user de ses pouvoirs de police spéciale. Dans l'hypothèse inverse (immeuble présumé vacant et sans propriétaire connu), le maire ne peut que recourir à ses pouvoirs de police générale. En outre, le Préfet peut, dans tous les cas, se substituer au Maire dans l’hypothèse selon laquelle ce dernier négligerait ou refuserait de prescrire les mesures qui s'imposent en cas de péril.


Il est important de comprendre que la procédure de péril s'applique sur des immeubles appartenant à des personnes privées ou publiques et concerne tous les types d'occupation, quel que soit le statut de l'occupant (locataire, résidant d'un établissement d'hébergement, etc.).


Encore, la procédure de péril s'applique aux immeubles bâtis au regard de leur solidité (garde-corps, balcons, escaliers, toiture, façade, plafonds et planchers, etc.) et non au regard de la sécurité des installations électriques, chauffage ou autres, dont les désordres seront traités au titre de la procédure d'insalubrité.



IMMEUBLE MENAÇANT RUINE

A - Les pouvoirs de police spéciale du Maire


Les pouvoirs du Maire concernent les immeubles bâtis et, par extension, les éléments qui y sont incorporés (corniches, balcons, cheminées, tuyaux d’évacuation des eaux des toitures, etc.).


Ses pouvoirs découlent de l'article L.511-1 du Code de la Construction et de l'Habitation aux termes duquel ‘le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique’.


Lorsqu'un édifice menace ruine, le maire dispose de la procédure de PÉRIL ORDINAIRE (i) ou de la procédure de PÉRIL IMMINENT (ii).Et suivant la gravité du péril, l'arrêté est assorti ou non d'interdiction partielle ou totale d'habiter, le relogement pour les locataires étant à la charge des propriétaires.


Le choix entre l'une ou l'autre est lié à la nature du danger présenté par le bâtiment.



1. La procédure de péril ordinaire


1.1. Procédure ordinaire


Aux termes des dispositions de l’article L.511-2 du Code de la Construction et de l’Habitation, « le propriétaire est mis en demeure d’effectuer dans un délai déterminé les travaux de réparation ou de démolition de l’immeuble menaçant ruine et, si le propriétaire conteste le péril, de faire commettre un expert chargé de procéder, contradictoirement et au jour fixé par l’arrêté, à la constatation de l’état du bâtiment et de dresser rapport.

Si, au jour indiqué, le propriétaire n’a point fait cesser le péril et s’il n’a pas cru devoir désigner un expert, il sera passé outre et procédé à la visite par l’expert seul nommé par l’administration. Le tribunal administratif, après avoir entendu les parties dûment convoquées conformément à la loi, statue sur le litige de l’expertise, fixe, s’il y a lieu, le délai pour l’exécution des travaux ou pour la démolition. Il peut autoriser le maire à y faire procéder d’office et aux frais du propriétaire si cette exécution n’a pas eu lieu à l’époque prescrite.

En outre, lorsque le tribunal administratif a constaté l’insécurité de l’immeuble, le maire peut prendre un arrêté portant interdiction d’habiter et d’utiliser les lieux. »


1.2. Chronologie


α. Information des occupants :


Lorsque le Maire (ou le Préfet de Police à Paris) a connaissance de désordres affectant un immeuble susceptibles de provoquer un danger pour la sécurité des occupants et/ou des passants, il notifie au propriétaire qu'une procédure de péril ordinaire va être prise à son encontre.


Lorsque l'immeuble en cause est un immeuble en copropriété, la notification est transmise au syndic de copropriété. Il appartient ensuite à ce dernier de transmettre cette information, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'ensemble des copropriétaires dans un délai maximal de vingt-et-un (21) jours.


Dès réception du courrier, le propriétaire dispose d'au minimum un (1) mois pour présenter ses éventuelles observations au Maire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ce délai est porté à deux (2) mois s'agissant du syndic de copropriété.



β. Visites des lieux :


Le Maire peut faire procéder à des visites pour vérifier l'état de solidité de l'immeuble, mais celles-ci ne sont pas obligatoires pour déclencher une procédure de péril ordinaire.




γ. Arrêté de péril ordinaire



Si les désordres persistent, le Maire prend un arrêté de péril mettant en demeure le propriétaire de l'immeuble ou le syndic de copropriété d'effectuer les travaux de réparation ou de démolition dans un délai qui ne peut être inférieur à un (1) mois.


Si l'état de solidité de tout ou partie de l'immeuble ne permet pas de garantir la sécurité des occupants et/ou des passants, le maire peut également assortir l'arrêté de péril d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter les lieux.


L’arrêté de péril doit être explicite sur les mesures à prendre pour faire cesser le péril, à peine d’illégalité.


Fixé par l'arrêté, ce délai commencera à courir au jour de sa notification à son propriétaire.


La notification de l'arrêté est faite par voie administrative (agent assermenté, commissaire de police, huissier de justice, etc.). La date de notification servira de point de départ au délai imparti au propriétaire pour exécuter les travaux ou contester l’arrêté de péril. Il faut donc que l'acte de notification mentionne les voies et délais de recours contre la décision, faute de quoi, le délai ne saurait valablement courir (CE 20 mars 1992, Cne d'Arcueil, n°115504).


L’arrêté peut également être notifié à l’occupant pour faire courir les délais de recours à son encontre. La notification de l'arrêté de péril ne peut être effectuée par la voie administrative que si elle touche le propriétaire lui-même et non un tiers sans qualité pour recevoir cet acte à sa place (CE 9 mai 1962, Cne de la Saulce).


Mais s’il s’agit d’un édifice en mitoyenneté, l’arrêté doit être notifié aux deux propriétaires intéressés. Lorsque l'Administration n'a pu faire notifier l'arrêté de péril à un propriétaire dont l'adresse est inexacte ou inconnue, cette circonstance ne vicie pas la procédure (CE 20 novembre 1991, Cne de Vans c/ Boler). Le juge vérifiera que l'Administration a procédé à des recherches suffisantes pour trouver l'adresse du destinataire.


Si, à la date fixée par le Maire dans son arrêté, le propriétaire (ou le syndicat des copropriétaires) ne s’est pas manifesté (notamment il n'a pas effectué les travaux, ou ne s’est pas présenté à l’expertise), le Maire devra faire visiter le bâtiment par l’expert seul, qu’il aura désigné, qui proposera des solutions dans un rapport que le Maire transmettra immédiatement au Tribunal Administratif afin de statuer en audience contradictoire.


Au vu du rapport de l’expert, le Maire rédigera, à l’intention dudit tribunal, des conclusions complémentaires à son arrêté (par exemple, pour étendre ses demandes de réparation ou de démolition) ; s’il ne le fait pas, il ne pourra pas, ensuite, augmenter ses prétentions devant le juge administratif.


Le Tribunal Administratif peut prescrire des travaux de réparation, voire ordonner la démolition et, désormais, autoriser le Maire à prendre une interdiction d’habiter.


δ. Exécution des travaux


L'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté est constaté par un expert désigné par la Commune. L'expert remet un rapport au Maire qui, au vu de ce rapport, prononce la mainlevée de l'arrêté lorsque les travaux ont mis fin durablement au péril de l'immeuble.


Le Maire est donc chargé de veiller à l’exécution de ce jugement, qui ne peut être assorti d’une astreinte ; mais il ne pourra exécuter d’autres travaux que ceux ordonnés.

ε. Non exécution des travaux


Ce n'est que si le propriétaire n'a pas obtempéré dans le délai imparti que le Maire pourra être autorisé par le Tribunal à exécuter d'office les travaux à ses frais (CE 13 juillet 1968, Estarague ; CE 18 mai 1988, Ville de Toulouse).



Lorsque les mesures prescrites par l'arrêté n'ont pas été exécutées dans les délais, le propriétaire ou le syndic de copropriété est mis en demeure par le Maire de les réaliser dans le délai d’un (1) mois. À défaut, le Maire ou le Préfet peut faire réaliser les travaux d'office aux frais du propriétaire et majorés d'intérêts. Le propriétaire peut également faire l'objet de poursuites pénales.


Lorsque l'inexécution de l'arrêté de péril résulte de la défaillance de certains copropriétaires, le syndic en informe le Maire en lui indiquant les démarches entreprises pour faire réaliser les travaux prescrits et en lui fournissant une attestation de défaillance.


Sont réputés défaillants les copropriétaires qui, après avoir été mis en demeure de le faire par le syndic, n'ont pas répondu ou n'ont répondu que partiellement aux appels de fonds destinés à financer les travaux prescrits dans le délai de quinze (15) jours à compter de la sommation de payer.


La Commune dispose alors d'un délai d'un (1) mois pour décider de se substituer aux copropriétaires défaillants.


Lorsqu’elle n’a pas recouvré la totalité de la créance qu'elle détient sur un copropriétaire défaillant auquel elle s'est substituée, le syndic doit l’informer d’une vente éventuelle de lot par ce copropriétaire afin de lui permettre de faire valoir ses droits auprès du notaire qui en est chargé.


Mais lorsque tous les copropriétaires sont défaillants, la Commune ne peut recourir à la procédure de substitution.



ζ. Recours


Si les experts des parties sont en désaccord, notamment sur l’état de péril, ou sur les mesures à ordonner pour faire cesser le danger, le Tribunal désignera un expert.


Le jugement du Tribunal est susceptible d’appel avec ministère d’avocat devant la Cour administrative d’appel dans le délai de deux (2) mois suivant sa notification administrative par le Maire (et non par le greffe), à défaut, sa signification.



2. La procédure de péril imminent


2.1. Principe


Le Maire peut utiliser, indépendamment de la procédure de péril ordinaire (ou en même temps) la procédure de péril imminent prévue par l'article L.511-3 du Code de la Construction et de l'Habitation, qui dispose que : « en cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, provoque la nomination par le juge du tribunal d’instance d’un homme de l’art qui est chargé d’examiner l’état des bâtiments dans les vingt quatre heures qui suivent sa nomination. Si le rapport de cet expert constate l’urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment, l’évacuation de l’immeuble ».



2.2. Chronologie


α. Information des occupants :


Lorsque le maire a connaissance de désordres affectant un immeuble présentant une menace réelle et actuelle pour la sécurité des occupants et/ou des passants, il notifie au propriétaire qu'une procédure de péril imminent va être prise à son encontre.


Lorsque l'immeuble en cause est un immeuble en copropriété, la notification est transmise à l'ensemble des copropriétaires et au syndic.




β. Visites des lieux :