Benoît ROSTAND
Frais de remise en état de mon appartement à la suite de travaux dans la copropriété
Dernière mise à jour : 8 févr. 2021
A qui incombent les frais de remise en état d’un lot de copropriété, partie privative, à la suite de travaux effectués sur une partie commune au sein dudit lot?
Pour répondre à cette question, nous devons étudier plusieurs cas de figure.
I. Les travaux effectués sur une partie commune ont été votés en assemblée générale
L’article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 affirme que
« chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Toutefois si les circonstances l’exigent ET à la condition que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives comprises dans son lot n’en soient pas altérées de manière durable, aucun des copropriétaires ou de leurs ayants-droit ne peut faire obstacle à l’exécution, même à l’intérieur de ses parties privatives, des travaux régulièrement décidés en assemblée générale en vertu des « e, g, h, i et n » de l’article 25, du « d » de l’article 26 et de l’article 30.
Les travaux entraînant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.
Les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l’exécution des travaux, en raison soit d’une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d’un trouble de jouissance grave, même s’il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité.
Cette indemnité qui est à la charge de l’ensemble des copropriétaires, est répartie, s’agissant des travaux décidés dans les conditions prévues par les « e, g, h, i » de l’article 25, par le « d » de l’article 26 et par l’article 30, en proportion de la participation de chacun au coût des travaux. »
En d’autres termes, l’obligation de supporter les travaux, même dans les parties privatives, s’applique aux travaux :
d’amélioration décidés en application de l’article 30 ;
rendus obligatoires en vertu des dispositions législatives ou réglementaires
d’économie ou de substitution d’énergie
nécessités par la mise en conformité aux normes de salubrité, de sécurité et d’équipement ;
décidés en faveur des personnes handicapées ;
de fermeture de l’accès de l’immeuble ;
d’installation de compteurs divisionnaires d’eau.
On remarquera que cet article ne vise ni les travaux d’entretien, ni de réparation ou de réfection… Est-ce un oubli ?
Le texte prévoit que les copropriétaires n’ont l’obligation de supporter l’exécution de ces travaux à l’intérieur de leurs parties privatives que si deux conditions cumulatives sont remplies :
1°) il faut que les circonstances l’exigent. C’est-à-dire qu’il n’y ait pas d’autres solutions pour effectuer les travaux que d’accéder aux parties privatives, ou au moins que ce soit la meilleure solution.
2°) il faut que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n’en soient pas altérées de manière durable. Ce qui n’est pas le cas pour le remplacement de canalisations existantes par des canalisations neuves ! (CA Paris, 14è ch., 24 juin 2005).
Et, dans ce cas, il doit être fait application du quatrième alinéa de l’article 9 susdit, d’ordre public, aux termes duquel le principe de l’indemnisation des copropriétaires est affirmé.
Il faut cependant, et cela reste une condition essentielle, que le copropriétaire subisse un préjudice spécifique, réel et certain, du fait de l’exécution de ces travaux. Le texte cite plusieurs exemples de préjudices indemnisables, comme la diminution définitive de la valeur du lot (perte de l’ensoleillement, etc.), ou encore le trouble de jouissance grave (voir la jurisprudence sur les troubles anormaux du voisinage notamment) ou encore des dégradations. Tout préjudice subi par un copropriétaire est indemnisable.
Aussi, et ainsi qu’il a été écrit plus haut, il est nécessaire que le copropriétaire subisse un préjudice spécifique. En conséquence, dès lors que tous les copropriétaires subissent dans leur partie privative le même désordre, le principe de l’indemnisation n’est pas acquis.
II. Les travaux effectués sur une partie commune ont été opérés dans le cadre de la maintenance de l’immeuble
Pour comprendre ce dont il s’agit, prenons l’hypothèse dans laquelle le syndicat des copropriétaires est amené à procéder au remplacement d’une canalisation d’eaux, vannes ou usées, fuyarde traversant un appartement.
Le copropriétaire du lot dans lequel doivent s’effectuer ces travaux a installé un coffrage, sans autorisation de l'assemblée générale (il est extrêmement rare qu’un copropriétaire en fasse la demande expresse en assemblée générale !), devant ces colonnes.
Il appert que le montant de la réparation sur ladite canalisation sera majoré par le démontage et le remontage de cet élément. Aussi, il n’est pas inutile de se demander à qui incombe les frais de remise en état de cet habillage.
Pour vous en convaincre s’il en était encore besoin, ce propriétaire aura pu faire installer, sur son coffrage, démontable ou non, un carrelage en marbre de carrare. Un autre pourra avoir laissé apparentes lesdites canalisations. Un troisième préférera installer un placage en bois peint… Autant de situations que de copropriétaires (ou de locataires) ! Et les coûts, pour la remise en état ne seront évidemment pas les mêmes entre nos trois protagonistes…
Nous allons donc étudier plusieurs pistes, afin que vous puissiez, le cas échéant, retrouver le cas qui vous concerne directement.
2.1. Déclaration auprès de la compagnie d’assurance
Il arrive fréquemment qu’il faille procéder au remplacement d’une canalisation, qu’elle soit réputée partie commune ou privative, à la suite d’un dégât des eaux. Dans ce cas, il appartient à chacun de déclarer ce sinistre à sa compagnie d’assurance.
Si aucune compagnie ne rembourse le coût des travaux de la cause du sinistre (en l’espèce, les travaux de remplacement de la canalisation), les assureurs indemnisent régulièrement les frais de recherche de la cause du sinistre, d'assèchement, de déplacement des meubles, de nettoyage, et plus généralement les conséquences dommageables.
Aussi, la question de savoir sur les épaules de qui repose la charge de la remise en état d’une partie privative liée aux travaux de réparation d’un élément d’équipement commun devient donc superflue, puisque ce sont, sauf exception contractuelle, les compagnies d’assurance !
2.2. Autres cas
Dans notre cas d’espèce, notre copropriétaire a fait réaliser un coffrage devant des canalisations, parties communes, sans autorisation de l’assemblée générale.
Il est certain que le fait que le syndicat procède au remplacement de tout ou partie d’une colonne, nécessitant le démontage ou la destruction dudit coffrage provoque pour le copropriétaire dont il s’agit un préjudice.
Mais ce préjudice est essentiellement consécutif à son comportement fautif.
C’est ce qu’en avait déjà décidé la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 octobre 1969 (Inf rap. copr. 1970 p.70). La même chambre de la Cour de cassation a confirmé cet arrêt, le 20 avril 2002, en affirmant que les aménagements effectués par le copropriétaire, qui n’étaient pas prévus par le règlement de copropriété ou qui n’existait pas à l’origine, ne peuvent être considérés comme des parties communes et les frais de dépose et de remise en état incombent à ce seul copropriétaire (Loyers et copr. 2002, comm. 220 ; CA Paris 15è ch., 4 octobre 1990 : loyers et copr. 1991 n°39).
Aussi, en application de l’adage Nemo auditur propriam turpitudinem allegans, il serait injuste et inéquitable de faire supporter à l’ensemble des copropriétaires le coût de la remise en état du coffrage, posé à l’insu des copropriétaires l’ayant autorisé au cours d’une assemblée générale.
Il n’en serait pas de même si ces travaux ont provoqué des dégradations de peinture dans la partie privative :
si ces dégradations sont du fait de l’entreprise, c’est à cette dernière de les prendre en charge ;
si elles résultent du remplacement de la colonne, eu égard au fait qu’il fallait que l’entreprise agrandisse le passage de la colonne pour procéder au retrait de la canalisation et à la mise en place de la nouvelle, l’ensemble de cette remise en état reste à la charge du syndicat des copropriétaires.
2.3. Adoption de la clause d’aggravation des charges
Une clause d'aggravation des charges est une clause qui met à la charge du copropriétaire responsable l'aggravation des charges provenant de son fait fautif.
La Cour d’Appel de Paris a jugé, lors de plusieurs arrêts (29 mai 1992 : Loyers et copr. 1992 n°401 ; 25 septembre 1992 : Loyers et copr. 1993 n°36 ; 10 mai 2001 : Rev. Loyers 2001 p.349), qu’est licite la clause inscrite dans un règlement de copropriété mettant à la charge des copropriétaires responsables l’aggravation des charges provenant de leur fait. Une telle clause ne pourrait cependant recevoir application que dans le cadre des règles générales de la responsabilité civile, pour obtenir la condamnation d’un copropriétaire. Elle n’autorise pas à imputer directement son compte des sommes arbitrées unilatéralement par le syndicat, le conseil syndical ou le syndic (CA Aix-en-Provence 30 mai 2006 : Jurisdata n°2006-313745).
L’application de la clause d’aggravation des charges suppose un comportement fautif du copropriétaire dont l’appréciation ne saurait résulter que d’une décision judiciaire. Ainsi en a décidé la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 janvier 2007 (Loyers et copr. 2007, comm. 85).
Et la décision d’insérer dans le règlement de copropriété une clause d’aggravation des charges implique un vote unanime de tous les copropriétaires (CA Paris, 23è ch. 10 novembre 2005, Loyers et copr. 2006, comm. 64).
Ceci dit, dans notre exemple de départ, un copropriétaire a installé un coffrage, sans autorisation de l'assemblée générale, devant des colonnes communes dans sa cuisine ou salle de bains. Il est certain que le montant de la réparation sur la colonne sera majoré par le démontage et le remontage de cet élément.
La clause d'aggravation des charges permettra d'imputer à ce copropriétaire la différence entre le coût normal de l'intervention et la majoration résultant des travaux complémentaires engendrés par la faute du copropriétaire.
Mais pour une application fondée de cette clause, il est nécessaire que la responsabilité du copropriétaire ait été reconnue par un juge. Cela n’en réduit pas, pour autant, son intérêt pratique. Elle permet de solliciter du juge la condamnation du copropriétaire à régler les dépenses engagées sans que leur montant puisse être contesté. Et, contrairement à la clause pénale qui exclut la nécessité de l'existence d'un préjudice et fixe forfaitairement une pénalité, la clause d'aggravation des charges permet d'obtenir du juge qu'il condamne le contrevenant à régler l'intégralité des frais engagés par la copropriété pour réparer les dommages.